Pulu, Taumalolo, quand ils se prenaient encore pour des rois mages… |
La ville, le département sont sous le choc. La région elle même a ressenti ce tremblement de la terre du rugby. L'USAP est reléguée en pro D2, pour la 1è fois en 103 ans. Et chacun y va de ses analyses, de ses anathèmes, et même de ses larmes. Le Pa de fetge ou la Carn de Parol n'ont plus la même saveur, et chacun se fait sa propre idée de ce qui a foiré dans une recette qu'on croyait immuable. On laisse brûler la cargolade sur la braise en accablant untel ou untel rendu responsable de la catastrophe. Même le Banyuls hors d'âge a goût de bouchon...
Mon propos ne sera pas d'ajouter mon grain de sel à la confection d'un plat à l'évidence depuis quelques années déjà mal maitrisé. Mais force est de constater l'écart profond qui existe entre les "valeurs terroir" ancestrales d'un club, mises en avant par les supporters, si légitimes au temps du rugby des villages, et les nouvelles exigences d'un sport devenu professionnel et mondialisé. Les joueurs les plus emblématiques, les vrais natifs du coin, ne peuvent pas résister aux propositions mirobolantes de "l'étranger" en montrant fièrement sur leur poitrine l'écusson de leur village natal, arguant qu'ils ne pourraient plus vendanger leur parcelle de muscat avant de se rendre aux entrainements.
Et faire "mouiller le maillot sang et or" en répétant avec une conviction inébranlable "sempre endavant mai morirem" à un joueur venu d'Edimbourg ou d'une île du Pacifique est presque aussi pathétique que l'étaient les récitations imposées par les instits au temps des colonies dans des classes de petits noirs africains, vous savez celles qui commençaient par "nos ancêtres les gaulois".
Mon oncle maintenant décédé était en son temps c'est à dire il y a 30 ou 40 ans proche du staff de l'ASM devenue Clermont. Il se lamentait de voir tant de joueurs venus d'autres provinces à qui il ne servait à rien après paiement d'un salaire pour lui déjà indécent de parler des concours de belote du lac d'Aydat ou des moissons dans les Combrailles.
La première condition pour rester en Top 14 est maintenant d'avoir un portefeuille boursouflé. Notre département n'est pas loin d'être sinistré sur le plan économique et dans ce contexte je connais certains qui ont pourtant encore les reins solides rechigner à la perspective de remettre au pot en permanence avec l'impression d'essayer de combler le tonneau des Danaïdes.
Mais cette condition sine qua non, déjà difficile à remplir, n'est pas unique. En admettant qu'elle le soit, remplie, il faut former une équipe. Peut on fédérer un groupe venu de tous les horizons du monde en les remotivant autour d'une ouillade censée leur rappeler des souvenirs d'enfance ? Il faut des objectifs compris dans toutes les langues et sur tous les terrains, susceptibles d'étoffer un palmares, de laisser une empreinte ou de favoriser une ambition. Il faut donc que les joueurs concernés croient dur comme fer au(x) projet(s) présentés et que donc le groupe dirigeant soit lui aussi crédible, solidaire et professionnel. Les désaccords dans ce groupe, dans celui des joueurs ou entre les deux groupes sont autant de failles qui sans être colmatées très vite conduisent à l'effondrement de l'ensemble. Il y avait à l'évidence une ou des failles négligées dans l'USAP 2013/2014 ayant conduit à ce glissement de terrain.
On ne refera pas l'histoire. J'écris ce billet avant de lire les annonces du président Rivière, lequel semble toléré pour ses moyens financiers plus que fédérateur par ses connaissances du rugby. On va sans doute entendre des promesses de remontée rapide dans l'élite… Pour moi reste à se dire qu'en pro D2 la magnifique Estaque sera finalement plus à sa place, les catalans chambreront les voisins gabatx de Carcassonne, Narbonne ou Béziers comme "au bon vieux temps". Les supporters retrouveront qui sait sans déplaisir les traditionnelles distributions de marrons et autres gaufres sur des terrains moins exposés aux médias, lesquelles avaient parfois le mérite de "faire circuler le sang" disait mon oncle, habitué en Auvergne au froid glacial, même si chez lui la tramontane était moins fréquente…
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