Lac de Pradeilles (Pyrénées Orientales)

Bienvenue

Ce blog comme une promenade entre amis… On pourra donc lire ou écrire, admirer la nature, ramasser des cèpes ou des morilles , pêcher à la mouche, jouer au poker, parler médecine, littérature, actualité,ou même de tout et de rien comme le font des amis en fin d'une belle journée de randonnée...

mardi 16 décembre 2014

Au fil de l'eau


               
               Les tristes évènements récents évoqués dans le billet précédent m'ont peut être conduit sans même que j'en sois conscient, à refaire un tour dans la nature, mais cette fois grâce aux livres, et, comme je l'avais fait cf ce billet, à lire coup sur coup, de nouveau par hasard, deux auteurs d'époque bien différente. John Gierach, américain contemporain, et Jérome K Jérome, anglais du XIX è siècle. Cette fois ces deux là m'ont entrainé au fil de l'eau et non plus dans les forêts profondes, et m'ont fait rire, j'en avais besoin.

Le vrai titre est "Trois hommes dans un bateau (sans parler du chien)"



                L'auteur anglais du XIXè, que l'ami qui me l'a conseillé prétend avoir lu 4 fois comme l'aurait fait aussi Jacques Faizant d'après la préface du livre, nous conte une remontée de la Tamise en canot, non dénuée de notes historiques, mais essentiellement prétexte à des cascades sans fin de situations "gags" décrites dans un style un peu vieillot, mais caractéristique de l'humour anglais, certes servi habituellement à doses plus filées. L'histoire à son époque aurait connu un succès phénoménal et le livre serait passé sous le manteau de main en main. "Sous le manteau" je ne sais pas trop pourquoi, l'ironie qui saupoudre l'ouvrage à longueur de pages ne me semblant pas d'un pouvoir subversif extrême. Excellent prétexte pour en faire une pièce de boulevard, ce qui bien sûr fut réalisé à maintes reprises.

C'est le sexe et la mort… des mouches. Mais rien d'un ouvrage technique ! Un régal !


                 Hormis son titre, l'ouvrage de John Gierach qui passe sa vie à pêcher à la mouche et à écrire ensuite sur la pêche à la mouche, ne présente pas non plus d'élément inquiétant pour la société, hormis une pincée d'écologie réfléchie et intelligente, mais c'est un pur bijou là aussi d'humour anglo saxon, bien plus moderne, avec une autodérision succulente et une ironie cette fois délicatement dosée. On ne sera pas surpris de trouver l'influence de Jim Harrison et de Tom Mcguane, deux autres géants du "nature writing". Ce pêcheur invétéré est diplômé de philosophie, j'allais dire bien sûr, tant il est vrai que ceux qui se gaussent de l'apparente banalité d'une vie simple et proche de la nature feraient bien d'y réfléchir à deux fois …



          Deux citations méritent à mon avis leur place ici, la première est de JK Jérome lui même, la deuxième est en exergue du livre de Gierach et est de Jim Harrison.

« Rends légère la barque de la vie et munis-la des seules choses dont tu aies besoin: un intérieur et des plaisirs simples, un ou deux amis dignes de ce nom, quelqu'un qui t'aime et que tu aimes - un chat, un chien, une pipe ou deux - prends assez de provisions pour te nourrir et te vêtir, un peu plus que le nécessaire pour te désaltérer, la soif étant une chose terrible. » Jérome K Jérome

" Je plonge le regard dans le trou le plus profond de la rivière, mystérieux comme peut l'être un grenier pour l'enfant, et je repense à ces deux pistes qui s'enfoncent et disparaissent en s'effilochant dans la forêt. J'ai la sensation que cela fait des jours que je tourne en rond sans le moindre reste d'énergie en moi. " Jim Harrison



samedi 6 décembre 2014

Départs

Anne, Sarah, Marine, François


           Après mon amie Martine, partie en quelques minutes sur un coup "de coeur", c'est mon amie Hélène qui s'en est allée. Elle, c'était mûrement réfléchi, ce n'était pas un coup "de tête", c'était le constat courageux que la lutte était devenue désormais inutile. Une ampoule pour dormir, une ampoule pour partir. On donne ce droit en Belgique où elle habitait.

           Avec Martine je partageais la passion des champignons, et, même si ce n'est pas si fréquent chez une femme, celle du rugby. Avec Hélène, que je connaissais depuis bien plus longtemps, en fait depuis ma première année de fac, nous avions une entente parfaite quand il s'agissait de bosser les examens. Très organisée, méticuleuse, synthétique, elle n'oubliait jamais aucune partie des cours, c'était une assurance tous risques contre les impasses. Elle s'acharnait jusqu'à ce que l'exposé le plus abscons devienne clair comme une eau de source. Ces qualités l'ont accompagnée jusqu'à un poste élevé à la Commission Européenne, où elle ne dédaignait pas de croire en sa capacité à éclaircir l'imbroglio des mouvements migratoires et des problèmes de développement des pays d'Afrique puis d'Europe de l'Est.

            Martine, infirmière, soignait les gens. Hélène, médecin, essayait de soigner les pays.

         Martine fumait beaucoup, boucher une coronaire restait surprenant pour qui constatait son énergie, mais  n'était donc pas chez elle inattendu. Bonne vivante, elle aimait aussi boire un coup avec des convives. Hélène n'avait jamais touché une cigarette, et je ne me souviens pas l'avoir vue absorber plus d'un demi verre de vin dans une journée. Elle était donc stupéfaite et très en colère  de voir le crabe progresser sur un terrain aussi vierge de toute pollution. Toutes deux étaient gourmandes. En bonne méditerranéenne, Martine aimait les plats simples du Sud, poissons grillés, tians, esquichades de morue. Hélène avait plus d'exigences: entrée, plat, dessert, si possible élaborés, devaient figurer impérativement pour donner au menu le droit de se prétendre un repas. C'est que, petite fille d'aubergiste au coeur des Cévennes, soeur d'un élève brillant d'Alain Ducasse, femme d'un amateur éclairé et parfois passionné de gastronomie, bon sang n'aurait su mentir. 

           Martine avait pris sa retraite il y a une petite année. Hélène bossait encore il y a quinze jours. Elle travaillait toujours bien plus tard que moi, de toute façon, à partir de 2h du matin elle donnait sa pleine mesure dans le travail de synthèse de ce que nous avions vu ensemble. Moi passé minuit mon cerveau approchait la consistance de la fraise tagada. Certes un petit retour de bâton l'attendait le matin. Hélène, toujours en retard… Si vous vouliez la voir en beauté, mieux valait éviter de la solliciter avant 11h du matin. Je refaisais donc en partie mon handicap sans forcer, l'esprit bien net, tandis qu'elle essayait de s'éclaircir les idées en soufflant sur son Banania fumant.

         Son Banania… Que de plaisanteries à ce sujet, quand nous avons appris que lors de son premier voyage avec MSF, elle avait fait suivre des boîtes de cette poudre vitale jusque dans les camps de réfugiés en Somalie où elle vécut son expérience humanitaire initiale, avec son compagnon devenu son mari, mon pote François. 

        Quand j'étais petit je préparais le 24 Décembre au soir un grand bol de chocolat chaud pour que le père Noël en profite le matin en passant déposer mes cadeaux. Je peux encore tenter le coup pour toi, bien sûr, avec du Banania, je sais, pas du Nesquik ou autre merde. Mais je manque un peu de motivation, je te connais, Noël c'est le 25, tu t'es endormie le 5, tu vas encore me le faire réchauffer.

"Le vrai tombeau des morts c'est le coeur des vivants" Jean Cocteau