Anne, Sarah, Marine, François |
Après mon amie Martine, partie en quelques minutes sur un coup "de coeur", c'est mon amie Hélène qui s'en est allée. Elle, c'était mûrement réfléchi, ce n'était pas un coup "de tête", c'était le constat courageux que la lutte était devenue désormais inutile. Une ampoule pour dormir, une ampoule pour partir. On donne ce droit en Belgique où elle habitait.
Avec Martine je partageais la passion des champignons, et, même si ce n'est pas si fréquent chez une femme, celle du rugby. Avec Hélène, que je connaissais depuis bien plus longtemps, en fait depuis ma première année de fac, nous avions une entente parfaite quand il s'agissait de bosser les examens. Très organisée, méticuleuse, synthétique, elle n'oubliait jamais aucune partie des cours, c'était une assurance tous risques contre les impasses. Elle s'acharnait jusqu'à ce que l'exposé le plus abscons devienne clair comme une eau de source. Ces qualités l'ont accompagnée jusqu'à un poste élevé à la Commission Européenne, où elle ne dédaignait pas de croire en sa capacité à éclaircir l'imbroglio des mouvements migratoires et des problèmes de développement des pays d'Afrique puis d'Europe de l'Est.
Martine, infirmière, soignait les gens. Hélène, médecin, essayait de soigner les pays.
Martine fumait beaucoup, boucher une coronaire restait surprenant pour qui constatait son énergie, mais n'était donc pas chez elle inattendu. Bonne vivante, elle aimait aussi boire un coup avec des convives. Hélène n'avait jamais touché une cigarette, et je ne me souviens pas l'avoir vue absorber plus d'un demi verre de vin dans une journée. Elle était donc stupéfaite et très en colère de voir le crabe progresser sur un terrain aussi vierge de toute pollution. Toutes deux étaient gourmandes. En bonne méditerranéenne, Martine aimait les plats simples du Sud, poissons grillés, tians, esquichades de morue. Hélène avait plus d'exigences: entrée, plat, dessert, si possible élaborés, devaient figurer impérativement pour donner au menu le droit de se prétendre un repas. C'est que, petite fille d'aubergiste au coeur des Cévennes, soeur d'un élève brillant d'Alain Ducasse, femme d'un amateur éclairé et parfois passionné de gastronomie, bon sang n'aurait su mentir.
Martine avait pris sa retraite il y a une petite année. Hélène bossait encore il y a quinze jours. Elle travaillait toujours bien plus tard que moi, de toute façon, à partir de 2h du matin elle donnait sa pleine mesure dans le travail de synthèse de ce que nous avions vu ensemble. Moi passé minuit mon cerveau approchait la consistance de la fraise tagada. Certes un petit retour de bâton l'attendait le matin. Hélène, toujours en retard… Si vous vouliez la voir en beauté, mieux valait éviter de la solliciter avant 11h du matin. Je refaisais donc en partie mon handicap sans forcer, l'esprit bien net, tandis qu'elle essayait de s'éclaircir les idées en soufflant sur son Banania fumant.
Son Banania… Que de plaisanteries à ce sujet, quand nous avons appris que lors de son premier voyage avec MSF, elle avait fait suivre des boîtes de cette poudre vitale jusque dans les camps de réfugiés en Somalie où elle vécut son expérience humanitaire initiale, avec son compagnon devenu son mari, mon pote François.
Quand j'étais petit je préparais le 24 Décembre au soir un grand bol de chocolat chaud pour que le père Noël en profite le matin en passant déposer mes cadeaux. Je peux encore tenter le coup pour toi, bien sûr, avec du Banania, je sais, pas du Nesquik ou autre merde. Mais je manque un peu de motivation, je te connais, Noël c'est le 25, tu t'es endormie le 5, tu vas encore me le faire réchauffer.
"Le vrai tombeau des morts c'est le coeur des vivants" Jean Cocteau
"Le vrai tombeau des morts c'est le coeur des vivants" Jean Cocteau
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