Lac de Pradeilles (Pyrénées Orientales)

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Ce blog comme une promenade entre amis… On pourra donc lire ou écrire, admirer la nature, ramasser des cèpes ou des morilles , pêcher à la mouche, jouer au poker, parler médecine, littérature, actualité,ou même de tout et de rien comme le font des amis en fin d'une belle journée de randonnée...

mercredi 1 décembre 2010

Docteur n'abuse


         Une réflexion a lieu actuellement autour du prix de la consultation modulable en fonction de sa complexité… Nouvelle tentative pour sortir la médecine générale de l'ornière dans laquelle on la laisse s'enliser depuis des années ? Après nous avoir pompeusement nommés "piliers du système de soins", nous avoir épinglé le titre en chocolat de "médecin référent", avoir balisé un "parcours de soins" stupide, où le patient doit s'inscrire avec un médecin et non un cabinet médical, voici la consultation à géométrie variable… Qui sait, peut être la consultation mais pas la visite à domicile, puisqu'on a bien inventé l'augmentation de tarif pour certains actes, mais pas pour d'autres…
           C'est quoi la complexité d'une consultation ou d'une visite ? Personnellement, je n'en sais rien. Je parlerais de la pénibilité d'une consultation/visite. Et les raisons sont nombreuses pour qu'une consultation/visite soit "pénible" ! Difficultés à se faire comprendre, difficultés à se faire écouter, difficultés pour nous à comprendre, multiplicité sans cesse croissante des motifs de consultation, désinvolture et exigences des "patients", heures passées à tenter de joindre un correspondant ou un service hospitalier, paperasserie encore et encore à n'en plus finir…
          Certes un diagnostic pour une pathologie autre que banale, une conduite thérapeutique chez un patient qui cumule les ennuis de santé sont souvent complexes à mettre en oeuvre, surtout si une coordination est nécessaire avec des spécialistes ou l'hopital,  mais restent la moelle de notre métier, à qui se plaint de ces difficultés là on pourrait conseiller de changer d'activité. C'est avec plaisir qu'on passe du temps auprès d'un malade, le temps qu'il faut, pour détecter son mal ou affiner son traitement, et je ne pense pas que si seulement 8% des jeunes diplômés s'installent (et c'est bien pour cette raison que les politiques daignent se pencher sur notre cas…) ce soit par peur des maladies et des patients… Non, c'est bien plutôt par crainte de toutes ces pertes annexes de temps et d'énergie qu'impose la gestion d'un cabinet médical…
             Plus les téléphones pullulent, plus les correspondants sont injoignables et les boîtes vocales se multiplient, laissez un message, tapez 1 , tapez 2, tapez 3, vous souhaitez parler à Mr Dupont ? nous acheminons votre appel à Mr Darmon, quand ce n'est pas Mme Pontan… Docteur, il me faut un papier pour le kiné, l'ambulancier, l'arrêt de travail, la demande de cure, sur celui que vous avez fait manque une case à cocher on me l'a renvoyé… Docteur c'est la maison de retraite, la glycémie de MrX est de 2,5g vous changez la dose d'insuline ? alors il faudra passer, il nous faut une prescription écrite…Non, je ne sais pas quels médicaments je prends, des pilules sont rouges, d'autres bleues, mais on m'avait dit 10j de traitement, et le pharmacien n'a donné qu'une boîte, d'ailleurs c'est comme mon traitement de fond, j'ai pas les noms, mais certaines boîtes n'ont que 28 cachets, alors pour 1 mois je vais manquer des petits cachets ronds…  Docteur il me faut un certicat d'aptitude à la pétanque…Je pourrais multiplier les exemples à l'infini, comme déjà évoqué ICI
             Alors, quelle sera la consultation mieux rémunérée ? Celle où je dépisterai , certes peut être avec peine, par un examen complet chez un malade fatigué et amaigri,  une lésion profonde dans l'abdomen, qui entrainera prise de sang, analyse d'urine, échographie, puis scanner éventuel, avant chemin de croix spécialisé, cheminement en fait bien plus compliqué pour le patient que pour moi ? Ou bien celle de la grand mère venue consulter pour une simple bronchite fébrile, parce que la voisine insiste, et dont je m'apercevrai qu'elle vit seule, n'a plus de couverture sociale, pas de véhicule pour se rendre à la radio (à cet âge, ça ressemble à une bronchite, hum, mais elle consulte tous les 5 ans…), et présente des troubles de mémoire évidents , le tout nécessitant appel à l'assistante sociale, la secu, le taxi VSL, des infirmières, etc… tapez 1, tapez 2, tapez 3 ?
            En vérité j'ai bien peur qu'il n'y ait maintenant que peu de "consultations non complexes". Nous rêvons tous de brillants diagnostics effectués tôt permettant de "sauver" nos malades (et pas, je le précise, on se sait jamais, de trouver des maladies graves à nos patients !), même s'il faut nous replonger dans les livres pour débrouiller les symptomes, et nous passons 1/2h à faire déshabiller ce vieillard puis lui expliquer l'ordonnance qu'il n'a aucune envie de suivre, ou à examiner cet enfant hurleur dont le nez coule, lequel, vous savez, docteur, me pique une crise en se roulant par terre quand je lui refuse un kinder mais comment faire …
            La vérité est que pour bien gagner sa vie dans notre métier de généraliste, il faudrait "faire de l'abattage", ce qui est l'exact contraire de ce que devrait être la médecine. Une "super consultation" annuelle a déjà été créée, que personnellement je n'utilise jamais, considérant, sans doute parfois à tort, qu'elle ne serait que redondance… Mais la "consultation complexe" ne serait elle pas simplement un nouveau moyen pour ne revaloriser qu'un morceau de notre travail ? J'arrête, je risque de devenir parano…

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