Signer une pétition hâtivement ne devrait plus être une erreur qu'on commet à mon âge, et qui plus est quand on est "dans la partie". C'est bien pourtant ce que j'ai fait il y a quelques jours, en me faisant piéger par celle que proposait le professeur Henri Joyeux.
J'aurais beau jeu de prétendre avoir été influencé par le fait que ce chirurgien et cancérologue avait été mon professeur à la faculté, à qui j'avais eu l'occasion de "passer les instruments" en étant étudiant en stage au bloc opératoire lors de quelques interventions marathons qu'il réalisait avec un talent certain (ex: lobectomies du foie). J'avais eu l'occasion pourtant de déjà me méfier de ses théories sur le cancer qui à peu près toutes sont centrées sur l'alimentation, thème certes très porteur et probablement rémunérateur, mais non à ce point prioritaire, qui lui a permis de signer nombre de livres sur le sujet avec un côté systématique assez douteux.
J'ai réagi aussi de façon épidermique car depuis quelques années quand j'étais encore en activité, je déplorais effectivement à maintes reprises de prescrire un vaccin simplissime nommé DT polio, et de de voir revenir les patients pour cause de rupture de stock à répétition avec un vaccin plus sophistiqué et bien sûr beaucoup plus cher. Le lien menant à la signature de la pétition était simplement intitulé "Vaccin DT Polio, l'appel urgent": l'appât était en place.
Mais bien sûr j'aurais dû être bien plus attentif aux arguments fallacieux qui suivaient au lieu de me contenter en les survolant d'un "ouais, bon, c'est pas encore fini ces histoires" quand l'éminent professeur remettait sur le tapis l'histoire de la sclérose en plaque et du vaccin contre l'hépatite B (dont je rappelle qu'aucun lien n'a été prouvé) ou celle de l'aluminium dans les vaccins responsable de (presque) tous les maux dans des attaques bien mal étayées.
La substitution d'un vaccin par d'autres m'ayant souvent révolté, surtout pour des raisons économiques, j'ai cru que cette pétition me donnait l'occasion d'exprimer à postériori mon mécontentement, sans voir que j'étais manipulé pour grossir les rangs des "anti-vaccins", ce que mon parcours me conduit à refuser farouchement. Même si sporadiquement un vaccin peut avoir des effets délétères, en comparant avec les bénéfices il n'y a pas photo. Je me suis rendu compte de la dérive en voyant le "buzz" provoqué sur Internet, et en recevant ensuite à maintes reprises des mails non sollicités de "l'institut de médecine naturelle"du même H Joyeux.
De nombreuses réactions mesurées et argumentées m'ont depuis prouvé que j'avais été "récupéré"pour un objectif sans doute moins noble que ma naïveté avait laissé dans l'ombre. J'ai beaucoup apprécié en particulier celle ci, du Dr Pillot, pédiatre, que je propose ensuite à qui veut la lire.
Paris, le samedi 27 juin 2015 – Nous nous interrogions en conclusion d’un précédent article sur la stratégie à employer face à une pétition telle celle diffusée par le professeur Joyeux, dirigée contre le vaccin hexavalent recommandé chez les nourrissons. Le docteur Marc Pillot, pédiatre, qui constate régulièrement les effets dévastateurs de ce type de polémiques sur la confiance des familles a décidé de répondre point par point aux arguments des détracteurs des vaccins. Il constate, comme beaucoup avant lui, la difficulté d’offrir une réponse scientifique et précise à des argumentaires le plus souvent guidés par l’absurde et la mauvaise foi. Il juge cependant que son devoir d’information envers ses patients impose un tel exercice.
Par le Dr Marc Pillot*, pédiatre
Depuis quelques temps, une pétition diffusée par le Pr Joyeux crée le doute et l’inquiétude chez les parents. Voyons de plus près si ce "bruit médiatique" est justifié.
Le Pr Joyeux est chirurgien et cancérologue. Je suis toujours surpris par ces professeurs qui cherchent à faire un "buzz" à la fin de leur carrière, même si c’est en répandant sans vergogne des inepties et des contre-vérités. Dans son message, le Pr Joyeux utilise tous les moyens de communication pour enrôler les gens : l'amalgame, la peur, la répétition des messages d’enrôlement, la théorie du complot avec danger pour la démocratie, l'appel à des témoignages pour sensibiliser... Bref, cela ressemble beaucoup plus à de la propagande qu’à un message scientifique. Internet fourmille de propos de ce genre : ce n'est pas parce qu'on retrouve deux choses associées que cela veut dire que l'une a provoqué l'autre. Beaucoup de cancéreux ont possédé une voiture française dans leur vie : cela ne veut pas dire que les voitures françaises provoquent le cancer.
Une vaccination contre la coqueluche de plus en plus vivement recommandée entre autres à l’origine de la pénurie
Le vaccin DTP (Diphtérie-Tétanos-Polio) n'est plus produit depuis 2008 en raison de sa pureté imparfaite et du nombre important de manifestations allergiques : ce n’est donc pas un évènement nouveau. Actuellement, il y a pénurie des vaccins Tétra (Diphtérie-Tétanos-Polio-Coqueluche) et Penta (Tétra + Hémophilus influenzae de type B) : cela est en rapport avec une augmentation de la demande mondiale en vaccin anti-coqueluche, car de nombreux pays ont changé leur politique de vaccination contre la coqueluche pour mieux protéger les très jeunes nourrissons pas encore vaccinés. Alors, il est vrai, il ne reste plus que l’Hexavalent (Diphtérie-Tétanos-Polio-Coqueluche-Hémophilus influenzae de type B -Hépatite B). Certes, il est regrettable qu'il y ait des ruptures de stock et je peux comprendre que cela scandalise certains, mais il faut savoir qu'il faut plusieurs mois pour fabriquer des souches de vaccins. S'il y a un défaut de fabrication par exemple, il faut tout détruire et tout recommencer : cela peut prendre beaucoup de temps.
Des techniques coûteuses
Quant à l'argument du prix, peut-être y a-t-il abus, mais ce n'est pas sûr. Le DTP était un vaccin très ancien et très fruste, fabriqué à une période où la technologie était moins performante et moins exigeante. Les vaccins actuels protègent jusqu’à six maladies au lieu de trois. Ils ont des antigènes beaucoup plus purifiés et plus efficaces ; certains germes sont même fractionnés afin d'en garder seulement la partie immunisante tout en éliminant la partie infectante. Ces progrès ont permis d’observer de moins en moins de réactions aux vaccins par rapport à autrefois.
Faire face à un milliard de germes par jour !
Le vaccin contre l'hépatite B a été accusé d'être neurotoxique : certes, il y a des réactions décrites chez les jeunes adultes qui n'ont pas été vraiment bien éclaircies, ni comprises. Mais, sur des millions de vaccinations, il n'a jamais été fait la preuve qu'elles étaient en rapport avec le vaccin (voir plus haut : association ne signifie pas causalité) et, à vrai dire, il n’y a pas plus de sclérose en plaques chez les vaccinés que chez les non-vaccinés. Chez le tout-petit, il n'a jamais été suspecté quoi que ce soit : c’est pour cela qu'on préfère vacciner le nourrisson alors que l'hépatite B n'est pas encore son problème. De plus, la protection étant définitive, l’adolescent est donc déjà protégé lorsqu’arrivent la sexualité, les voyages, parfois les conduites à risques.
Enfin, l'argument que six valences seraient trop pour le système immunitaire du nourrisson est totalement de mauvaise foi : dans une seule journée, dès la naissance, donc chez un être humain vierge, le système immunitaire est sollicité des milliers de fois. Rien que pour l'installation de la flore intestinale, le bébé doit faire la sélection, parmi un milliard de germes qui l’envahissent, entre les bons et les mauvais. Je pense que Mr Joyeux est déformé par sa pratique de la cancérologie : il s'occupait de malades en plein déficit immunitaire en raison de leurs traitements. Ce n'est pas le cas d'un bébé bien portant.
Beaucoup de bruit pour rien
A propos des adjuvants inclus dans les vaccins, quelques éléments sont à éclaircir :
• L’adjuvant augmente le signalement d’un antigène au système immunitaire pour que celui-ci fabrique plus d’anticorps. Cela permet de réduire la quantité d’antigènes vaccinaux et le nombre d’injections nécessaires : voilà qui est intéressant pour le jeune nourrisson.
• Les sels d’aluminium permettent de prolonger la persistance de l’antigène au niveau du site d’injection, augmentant ainsi la réaction immunitaire (et donc l’efficacité du vaccin).
• La plupart de ces adjuvants ont été élaborés depuis les années 1920 avec des sels d’aluminium. Leur utilisation, très large depuis plus de 90 ans, a montré leur excellente tolérance. Par ailleurs, on a bien trouvé d’autres adjuvants, mais ils sont moins efficaces et la plupart sont même dangereux.
• Au niveau du point d’injection des vaccins contenant des sels d’aluminium, il a été décrit, dès 1982, des liaisons histologiques localisées : cette entité histologique a été nommée « Myofasciite à macrophages » (MFM). La revue de la littérature ne permet pas de conclure que la MFM est associée à une ou plusieurs manifestations cliniques. Certaines lésions de MFM ont même été retrouvées sans qu’il y ait de l’aluminium !
• La MFM est une particularité française : de très nombreux patients ont été identifiés en France (par la même équipe), alors que les cas sont très rares et isolés dans les autres pays. En fait, les études de l’équipe française ne résistent pas à une analyse rigoureuse montrant à quel point elles sont entachées de biais importants : malades très disparates, critères d’inclusion mal précisés et parfois même pas de groupes de contrôle, signes cliniques qui varient selon les études, un traitement intéressant dans les premières études puis oublié par la suite...
• Les nourrissons étant beaucoup vaccinés dans tous les pays d’Europe, ils sont donc massivement exposés aux adjuvants aluminiques. Or, dans la littérature, les cas pédiatriques sont rares et, le plus souvent, l’analyse plus approfondie de la biopsie musculaire a permis de découvrir une maladie musculaire congénitale connue. Ainsi la MFM serait plutôt une coïncidence : elle serait une empreinte localisée d’une vaccination comportant un adjuvant aluminique (un peu comme un tatouage) plutôt qu’une maladie musculaire inflammatoire.
• Il est bien démontré que l’aluminium injecté par voie IM est, en grande partie, éliminé rapidement et qu’une faible partie peut se fixer dans les organes, essentiellement l’os. Mais les charges sont infimes par rapport à la charge en aluminium provenant de l’absorption quotidienne par voies digestive, pulmonaire et cutanée. Quant au cerveau, c’est l’organe le plus imperméable et, pour l’atteindre, il faut des intoxications aiguës ou des expositions importantes et prolongées
• Enfin, pour ce qui est du formaldéhyde, il sert à "inactiver" le vaccin, c'est-à-dire à faire en sorte que celui-ci puisse créer l'immunité sans provoquer la maladie. Certes, c’est un produit cancérigène, mais seulement lorsqu’il y a des expositions respiratoires ou cutanées fréquentes, dans un cadre professionnel par exemple. Il faut savoir que le corps humain produit lui-même du formaldéhyde et élimine très rapidement tout excédent. D’ailleurs, nous en mangeons quotidiennement avec nos fruits et légumes : il y a 200 à 300 fois plus de formaldéhyde dans une poire que dans un vaccin.
• Les sels d’aluminium permettent de prolonger la persistance de l’antigène au niveau du site d’injection, augmentant ainsi la réaction immunitaire (et donc l’efficacité du vaccin).
• La plupart de ces adjuvants ont été élaborés depuis les années 1920 avec des sels d’aluminium. Leur utilisation, très large depuis plus de 90 ans, a montré leur excellente tolérance. Par ailleurs, on a bien trouvé d’autres adjuvants, mais ils sont moins efficaces et la plupart sont même dangereux.
• Au niveau du point d’injection des vaccins contenant des sels d’aluminium, il a été décrit, dès 1982, des liaisons histologiques localisées : cette entité histologique a été nommée « Myofasciite à macrophages » (MFM). La revue de la littérature ne permet pas de conclure que la MFM est associée à une ou plusieurs manifestations cliniques. Certaines lésions de MFM ont même été retrouvées sans qu’il y ait de l’aluminium !
• La MFM est une particularité française : de très nombreux patients ont été identifiés en France (par la même équipe), alors que les cas sont très rares et isolés dans les autres pays. En fait, les études de l’équipe française ne résistent pas à une analyse rigoureuse montrant à quel point elles sont entachées de biais importants : malades très disparates, critères d’inclusion mal précisés et parfois même pas de groupes de contrôle, signes cliniques qui varient selon les études, un traitement intéressant dans les premières études puis oublié par la suite...
• Les nourrissons étant beaucoup vaccinés dans tous les pays d’Europe, ils sont donc massivement exposés aux adjuvants aluminiques. Or, dans la littérature, les cas pédiatriques sont rares et, le plus souvent, l’analyse plus approfondie de la biopsie musculaire a permis de découvrir une maladie musculaire congénitale connue. Ainsi la MFM serait plutôt une coïncidence : elle serait une empreinte localisée d’une vaccination comportant un adjuvant aluminique (un peu comme un tatouage) plutôt qu’une maladie musculaire inflammatoire.
• Il est bien démontré que l’aluminium injecté par voie IM est, en grande partie, éliminé rapidement et qu’une faible partie peut se fixer dans les organes, essentiellement l’os. Mais les charges sont infimes par rapport à la charge en aluminium provenant de l’absorption quotidienne par voies digestive, pulmonaire et cutanée. Quant au cerveau, c’est l’organe le plus imperméable et, pour l’atteindre, il faut des intoxications aiguës ou des expositions importantes et prolongées
• Enfin, pour ce qui est du formaldéhyde, il sert à "inactiver" le vaccin, c'est-à-dire à faire en sorte que celui-ci puisse créer l'immunité sans provoquer la maladie. Certes, c’est un produit cancérigène, mais seulement lorsqu’il y a des expositions respiratoires ou cutanées fréquentes, dans un cadre professionnel par exemple. Il faut savoir que le corps humain produit lui-même du formaldéhyde et élimine très rapidement tout excédent. D’ailleurs, nous en mangeons quotidiennement avec nos fruits et légumes : il y a 200 à 300 fois plus de formaldéhyde dans une poire que dans un vaccin.
La médecine naturelle ne vaccine pas contre les conflits d’intérêt
Avant de conclure, précisons que, pendant toute ma carrière, je n’ai jamais eu de lien avec les laboratoires pharmaceutiques. A contrario, signalons que la pétition du Pr Joyeux est hébergée sur le site d’une officine belge (l’Institut pour la Protection de la Santé Naturelle) qui promeut des "produits naturels" et qui diffuse régulièrement des pétitions (parfois la même d'une année à l'autre) : est-ce un moyen d'aspirer les données personnelles des pétitionnaires pour les transformer en clients potentiels pour la vente en ligne de thérapies alternatives ? On retrouve à cet égard des directeurs de 3 laboratoires commerciaux dans le comité scientifique et dans celui d’éthique.
Mais rien n'est parfait non plus chez les scientifiques, car leurs financements dépendent parfois du nombre de leurs publications. Et c'est ainsi qu'on peut trouver, dans tous les domaines, des articles mal ficelés, vite écrits, sans rigueur. En France, une équipe cherche à tout prix à valider son hypothèse sur l'aluminium : c'est la seule équipe au monde à croire à cette hypothèse et, ce qui est gênant, elle n'accepte aucun contrôle externe de ses lames d'histologie. C'est pourquoi, devant un article scientifique, il ne faut pas se contenter du résumé et des grands titres, mais aussi faire une analyse critique de sa rigueur et de sa démarche de raisonnement.
Finalement, la voiture n’est peut-être pas si innocente…
Pardonnez ce long discours, mais il est plus long de contredire des bêtises que de les diffuser. Certes, je reconnais qu'il n'est pas facile de faire un tri éclairé sur Internet où le plus important est de faire un "buzz", même si c'est avec des inepties et même si cela peut provoquer une paranoïa dangereuse contre la Santé. La pétition du Pr Joyeux est fondée sur des amalgames et des ignorances. Les victimes sont les parents qui perdent leur sérénité et les enfants qui peuvent perdre une protection bien utile. Rappelez-vous que certaines maladies redoutables ont disparu au point qu’on les a presque oubliées : le vaccin contre l’Hémophilus influenzae de type B par exemple (contenu dans le Pentavalent et dans l’Hexavalent) a fait disparaître les méningites à hémophilus (40 % de séquelles) des services de Pédiatrie. D'autres maladies sont réapparues ces dernières années (avec plusieurs morts en France et en Suisse) car certaines vaccinations n'ont pas été suivies. Rappelez-vous aussi que, dans la vie, il n'y a pas de risque zéro et que, si on y regarde bien, il y a bien plus de risque grave à prendre la voiture que de se faire vacciner.
De la part d'un pédiatre qui a toujours eu le souci d'expliquer les choses pour aider les parents à faire leurs choix de façon éclairée.
* Président de la COFAM de 2003 à 2011 (Coordination Française pour l’Allait. Maternel),
Co-fondateur de IHAB France (Initiative Hôpital Ami des Bébés en France),
Membre de la CNNSE (Commission Nationale de la Naissance et de la Santé de l’Enfant).
Co-fondateur de IHAB France (Initiative Hôpital Ami des Bébés en France),
Membre de la CNNSE (Commission Nationale de la Naissance et de la Santé de l’Enfant).
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