Walden ou La vie dans les bois de Henry David Thoreau écrit en 1854 |
Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson écrit en 2011 |
Le choix de ces lectures ne relève pas pour moi d'une quête spirituelle intense, pas même du fantasme un peu naïf d'un retour à la nature, mais quand même probablement d'une attirance pour une vie plus simple et surtout moins urbaine maintenant que se profile assez concrètement le projet d'un retrait de mon parcours professionnel… J'ai depuis longtemps perçu les bienfaits d'une remise en question par la nature de nos vies citadines, de leurs décors de carton, leurs comptes d'apothicaire et leur carrousel de lumières…
Combien de fois me suis-je allégé de la tension de mon métier,"ressourcé", selon l'expression à la mode, dans la cueillette des champignons ou la pêche à la mouche, et plus généralement combien de fois me suis je vu remettre à ma minuscule place par la contemplation d'un phénomène naturel, même relativement banal ?…
La brume qui monte et s'étend avec le froid sur un lac d'altitude, le baiser sonore du gobage d'une truite, l'orage qui éclate sur l'arête granitique qu'on vient de quitter, la mer qui gronde et mord une falaise déchiquetée, ou soulève et secoue sur son dos monstrueux une coque de voilier, le vent qui vous râpe le visage, vous force à baisser la tête sur la lande, à marcher comme un automate dans les trilles des alouettes ou transforme la forêt en chevelure ébouriffée qu'il épouille bruyamment, le soleil qui vous abrutit methodiquement quand il n'y a plus la moindre ombre de pin à crochet…
Pas besoin d'aller en Sibérie ou dans le Massachussets se nourrir d'oignons sauvages pour comprendre que la vie dite civilisée n'est qu'un manège sur lequel nous sommes emportés en perdant la mémoire de ce qui fait de nous de simples êtres vivants, ni plus ni moins importants que le rouge-gorge ou la marmotte… Pas besoin, non, d'être un anarchiste résolu ou un écologiste stalinien pour comprendre que sorti des villes, l'homme moderne n'est plus qu'un albatros au sol plus ou moins maladroit… La nature vous tend un miroir dans lequel votre reflet ne possède aucun maquillage, aucune tenue de gala, et bizarrement la vie n'a plus besoin de justificatif, se moque des analyses et des constructions mentales, elle se contente d'être…
Pour revenir à ces deux livres, il est tout de même paradoxal que, aussi bien pour Thoreau que pour Tesson, ces expériences de vie solitaire, au plus près des besoins élémentaires, au bord de lacs aux hivers particulièrement rudes, aient besoin d'être communiquées aux communautés auxquelles ils prétendent tous deux vouloir échapper… Thoreau ne faisait pas mystère de ses désirs révolutionnaires (cf un autre de ses livres intitulé "La désobéissance civile"), Sylvain Tesson lui avoue plutôt faire de ce "voyage immobile"une thérapie personnelle, ce qui ne l'empêche pas d'écrire un livre, de s'auto-filmer, puis donner des interviews…
Les deux ont des prétentions culturelles et philosophiques qu'on retrouve dans la plupart des oeuvres de littérature dites de "nature writing" , comme au cinéma (Into the wild de Sean Penn )… C'est plus sur le plan émotionnel que je trouve la nature importante, pour rééquilibrer nos sensations, et comme je le disais au début de ce billet, les développements en recherche d'une spiritualité laissent un peu sur la faim, normal quand on a quelques poissons, herbes et farines de gruau pour s'alimenter, mais au moins pas sur la soif, à voir la quantité de vodka qu'on peut ingurgiter sur les bords du lac Baïkal…
De Thoreau vous n'aurez "que" le livre, disponible gratuitement en format PDF, mais le film qu'a rapporté Tesson de son ermitage contient des images superbes, qu'on peut se contenter de contempler, sans avoir forcément besoin de commentaires littéraires, même si certains sont fort réussis…
"La virginité du temps est un trésor. Le défilé des heures est plus trépidant que l'abattage des kilomètres. L'oeil ne se lasse jamais d'un spectacle de splendeur" S. Tesson
merci de n'être ni l'anarchiste résolu ni l'écologiste stalinien,apprends nous à siffler et j'opte pour la marmotte: elle dure plus longtemps que le rouge-gorge et sait vivre en société,et le "savoir-vivre"est indispensable....!!!El Desdichado.
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