J'aurais pu vous parler de Canada de Richard Ford au thème pour le moins original, vous auriez pû apprécier les conséquences d'avoir des parents braqueurs de banque, ou bien de Au revoir là haut de Pierre Lemaitre.
Le premier est devenu depuis ma lecture prix Femina étranger, et l'autre, également après ma lecture (cette année je devais avoir le nez fin lol !) … un prix Goncourt de bonne tenue sans être à mon avis éblouissant, mises à part quelques pages somptueuses sur la boucherie des combats de 14/18, un roman qui a le mérite de montrer les moyens tordus employés pour s'enrichir de la guerre.
Mais je préfère vous parler de Gala, la muse redoutable, de Dominique Bona.
Non que Gala soit un personnage fascinant, encore qu'avoir été le grand amour d'Eluard, la maitresse de Max Ernst et l'idole indéboulonnable de Dali n'est pas à la portée de la première Nabilla (ve)nue. Mais parce qu'avec ce personnage un peu énigmatique, au corps prétendûment de proportions parfaites, au visage selon moi banal, peu expressif, aux petits yeux noirs de rongeur, on se promène dans l'extraordinaire pépinière d'artistes de l'après guerre de 14, où poètes et peintres devenus ensuite célèbres se connaissent, se cotoyent parfois de façon intime, alors que leur renommée est encore inexistante ou seulement balbutiante.
On les voit vraiment vivre et tâtonner pour construire leurs personnalités devenues celles d'artistes majeurs du siècle. Eluard, Breton, Soupault, Péret, Crevel, Tzara, Aragon, Ernst, Picasso, Dali, excusez du peu. Gala circule dans ce milieu, où les cerveaux sont en surchauffe avec les guerres et la révolution russe, elle est rarement appréciée par ces cercles d'intellectuels illuminés par le surréalisme et la politique, on s'en méfie sans bien expliquer pourquoi, son air un peu hautain et peu communicatif sans doute. "La russe" y est un peu méprisée tout en étant presque crainte.
Après le faste de Dali à son zenith, beaucoup de journalistes évoqueront son appât du gain, alors qu'elle accompagne docilement des années Eluard dans un modeste appartement parisien, qu'au début de sa vie Dalinienne elle sera confinée longtemps dans une presque cabane de pêcheurs à Port LLigat, à vivre d'amour et d'eau fraiche. Certes quand Dali atteint une cote astronomique, elle devient une femme d'affaires redoutable.
D'autres insisteront sur son goût pour le sexe, alors qu'à l'évidence les fantasmes plus ou moins clairs d'Eluard ne sont pas pour rien dans son aventure avec Max Ernst, et que dire du voyeurisme et de l'"impuissance" revendiqués par Dali ? Elle était cultivée, grande lectrice depuis son enfance, encourageant sans cesse la poésie d'Eluard, la peinture de Ernst puis de Dali, sans jamais avoir manifesté pour autant de prétentions intellectuelles personnelles.
Elle n'a rien de très sympathique, ne serait ce qu'à voir le peu d'intérêt allant jusqu'au rejet sans pitié qu'elle montra vis à vis de sa fille, mais elle semblait surtout, et d'étonnante manière, inconditionnelle de l'homme avec qui elle vivait pourvu que celui-ci la porte aux nues et le montre. Ce qui pourrait selon moi la préserver d'être "récupérée"en porte drapeau d'un féminisme de combat. A la fin du livre, on en sait plus sur Eluard, Breton, Aragon et Salvador Dali que sur Gala. Mais c'est bien sans doute le génie d'une muse de faire briller, même dans sa propre biographie, ceux qui l'accompagnent en restant elle même dans l'ombre.
c'est toujours un régal de te lire. Quel talent !
RépondreSupprimerbob