Lac de Pradeilles (Pyrénées Orientales)

Bienvenue

Ce blog comme une promenade entre amis… On pourra donc lire ou écrire, admirer la nature, ramasser des cèpes ou des morilles , pêcher à la mouche, jouer au poker, parler médecine, littérature, actualité,ou même de tout et de rien comme le font des amis en fin d'une belle journée de randonnée...

samedi 1 juillet 2017

Que Simone Veil(le)



        Cette grande dame admirable a longtemps été personnalité préférée des français, et le consensus des louanges est à juste raison total au moment de son décès. 

       Sa droiture, ses convictions, sa combativité ont permis à bien des femmes d’être dans la légalité lorsqu’elles étaient confrontées à, de leur point de vue, l’obligation d’avorter. Cette décision toujours cornélienne pour une future maman n’avait pas besoin de voir ajouter à sa lourde difficulté « de base » une « double peine », les condamnations "morales" et religieuses, et les embûches géographiques et financières complexes. Le développement de la pilule et la loi légalisant l’Interruption Volontaire de Grossesse ont  sans doute été le plus grand pas en avant réalisé par les femmes des sociétés occidentales dans leur lutte d’émancipation au sein d’une société machiste.

      Le fait d’avoir été rescapée de l’horreur des camps nazis lui conférait de plus une aura qui, si elle ne désarmait pas ses adversaires, les forçait en tout cas au respect.

      Son image pourrait ainsi correspondre au but affiché par notre nouveau président, à savoir faire sauter les verrous paralysant notre pays entre « la droite » et « la gauche », puisqu’on pouvait la définir comme une femme politique de droite… et progressiste. Elle ne sera plus là pour inspirer ceux qui maintenant nous gouvernent, mais souhaitons avec force que son symbole gardera assez de lumière pour éviter les retours en arrière hélas toujours possibles. 

     Il est à noter par ailleurs que cette figure du féminisme capable d’imposer à une assemblée houleuse et hostile une loi aussi controversée à l’époque que celle sur l’IVG est par ailleurs restée opposée au mariage homosexuel et à l’homoparentalité, tabous qui ne semblent pourtant pas à l’heure actuelle  plus difficiles à déraciner que celui de l’avortement en 1975. Comme quoi même une largeur de vue panoramique peut avoir des limites un peu inattendues...

  Comme dit Gustave Parking à la fin de certains de ses sketchs: « je vous laisse réfléchir là dessus »


jeudi 15 juin 2017

Un péché de n’aller pas à la pêche en été



 J’adore ce passage écrit par John Gierach  dans son livre « Même les truites ont du vague à l’âme » aux éditions Gildemeister :

            « Lorsque j’étais enfant, les garçons qui préféraient pêcher plutôt que jouer au foot ou faire les fous en voiture étaient des abrutis. Aujourd’hui ce sont des demeurés-ce qui revient au même. Vous pouvez trouver ça un peu dur à vivre lorsque vous êtes gamin, mais il est possible que ça vous aide à grandir pour devenir un de ces rares adultes qui, dans la vie, savent faire la différence entre les choses qu’on peut contrôler et celles que l’on ne peut pas contrôler, qui sont capables de considérer l’erreur comme un phénomène naturel et qui savent tout simplement, et de manière générale, garder leur calme. Devenir une personne qui vous dira, si l’on insiste vraiment, que l’univers a peut-être un sens ou peut-être pas, mais que tout porte à croire qu’il a un sacré sens de l’humour. 
              C’est, je crois, une philosophie à la fois bienfaisante, rassurante et exacte, qui vous pousse, entre autres choses, à avoir envie de passer beaucoup de temps à la pêche, non pas-comme l’a souligné Robert Traver (plus connu sous le nom de John D. Voelker ) parce qu’il s’agit d’une activité importante, mais parce que toutes nos autres activités sont pareillement sans importance. »


           Je ne veux pas dire pour autant « allez à la pêche » plutôt qu’ »allez voter », bien que je ne sois pas certain que l’enthousiasme difficilement expliquable pour l’homme apparemment neuf qui emporte tout sur son passage soit payé en retour, il n’en reste pas moins que la pêche reste une activité noble. Et peu importe que la baisse d’énergie de mon âge me fasse maintenant préférer la pêche à la dorade en bord de mer à la traque des truites de lacs de montagne à > 2000 m d’altitude, la soupape tant chérie de mes années actives. 

         Pêcher reste un vrai plaisir, et une occasion de rencontrer des gens. 

         JL vient de Toulouse, passe l’été en bord de mer en camping car, et peut rester 4h en plein soleil et sans chapeau bien qu’il prenne des médicaments pour le coeur qui ne font pas bon ménage avec les UV.  Sa femme est en mauvaise santé, et à ce que j’ai vite compris son caractère s’en ressent fortement quand il la cotoye au camping.

         P., bien plus jeune, vapote continuellement entre deux touches ou deux changements d’appât. Il en faisait aussi son métier, en Belgique, jusqu’à ce que la loi interdise de vendre ces produits de substitution par internet. Il s’offre en ce moment une année sabbatique avant de reprendre une activité professionnelle dont il ignore encore la nature, et fait quasiment tous les jours 50 kms depuis les Corbières où il réside pour vivre sa passion du moment, que partage parfois sa compagne, brune, mince, tatouée et mère d’une fillette à l’évidence d’un autre lit.

         JP arrête sa session de pêche à 8h, il a commencé à 2h du matin car chez lui le soleil est encore plus dangereux que pour JL, puisqu’il est gravement malade, une confidence qu’un autre pêcheur m’a faite, et c’est sans doute pour ça qu’il s’intéresse un peu à mon statut de médecin, qu’un autre encore lui a dévoilé, mais sans pourtant s’étendre sur ce qui le mine. Il se révèle aussi parent par alliance avec ma belle fille.

         R était boulanger, se lever à 3 ou 4h du matin relève donc chez lui d’une routine banale, même s’il est maintenant retraité. 

         JP revient faire un tour en milieu de matinée, juste pour offrir 5 mn de liberté à son jeune épagneul, et pour voir « si elles se décident enfin ». A ce détail on voit qu’il resterait aussi chasseur, s’il pouvait bouger comme avant son opération. 

         R. passe aussi prendre des nouvelles en fin de matinée, avec sa compagne dont il a dit une fois que « bien que plus âgée que moi, elle en demande encore » .  

        D. garde son bonnet de laine même sous le soleil, il m’apprend que le Gargal aujourd’hui est responsable de nos bredouilles. Le Gargal est quelque part entre la Tramontane et le « Narbonnais », en plus humide. Très mauvais pour la dorade, soit, mais comme il fait beau…

         J vient pêcher parfois  avec sa femme, parfois avec Pepito, son moineau apprivoisé, qui le suit en sautillant sur le sable quand il va relever sa canne, volète un instant, puis finit par se percher  sur son épaule. Sa vieille camionnette n’en peut plus, et ses cannes ne sont guère plus jeunes que lui. Quand elle est présente, madame gère le panier picnic et les besoins (modestes) de Pepito.

        F par contre est un riche octogénaire, à voir son puissant Mercedes 4°4 rutilant, ses 3 cannes haut de gamme aux moulinets de prix dont les bobines sont impeccablement remplies de fils de 3 couleurs pour être sûr de noter qu’elles portent chacune un appât différent, bibi, crabe et mouron, par exemple. Sa technique de lancer est un peu surprenante, puisqu’il laisse reposer le plomb en arrière sur le sable avant de le propulser brusquement dans un quart de tour proche d’un début de mouvement de discobole. A ceux qui l’interrogent, étonnés de la performance finale (5 à 10 m plus loin que les autres), il déclare alors avoir longtemps fait des concours de lancer. Mais sans forfanterie, c’est juste un perfectionniste, un amoureux du travail bien fait, ancien chef d’entreprise dans la région parisienne, appliqué, sûr de lui mais pas m’as-tu-vu du tout.

        L’ambiance est donc étonnamment conviviale entre ces « habitués », celui qui réussit une prise est félicité sans jalousie, personne ne se bagarre pour obtenir une place, beaucoup s’inquiètent de l’arrivée des « touristes », et de la multiplication des filets des pêcheurs professionnels. La dorade est un poisson relativement démocrate, elle ne choisit pas forcément la belle canne, le beau lancer ou l’appât le plus cher. Elle se promène en bancs et quand elle n’est pas sur zone la bredouille est souvent équitable. 

         Sans doute faut il plus que pêcher ce beau poisson dans les mêmes eaux pour faire vraiment connaissance. Mais ce qui est rassurant, c’est qu’aucun d’entre nous ne lance des promesses de réussite, ni ne sollicitera Dimanche le vote des autres…








lundi 5 juin 2017

Finalement…

22-16, un peu court mais suffisant...


           Après je crois 11 échecs à ce stade en France ou en Europe, Clermont remporte enfin ce bouclier de Brennus qui se refusait systématiquement à une équipe pourtant flamboyante en cours de saisons… On est heureux pour eux, cent fois sur le métier…

           Je ne vais pas faire mon petit journaliste, la partie sera bien mieux disséquée par les spécialistes, disons simplement que le carton jaune de Fritz Lee, joueur si important dans le pack clermontois, a bien failli, comme cela avait été le cas pour les demi-finales, saborder le beau travail du début de la première mi-temps, et que Toulon a encore réussi à imposer sur quel mode aurait lieu l'affrontement, arrivant à exprimer toute sa puissance. Il s'agissait pour l'ASM de ne pas s'échapper, jamais, faute d'avoir réussi à imposer son propre jeu complet, hormis le premier quart d'heure, et bien sûr on a eu droit à la série maintenant habituelle des protocoles commotion. J'en parlais déjà dans le précédent billet, et JB Lafond est clair sur le sujet

           En voyant notre nouveau président serrer la paluche avec constance et gourmandise à tous les colosses des deux équipes, un par un, avant le match et à la remise des prix, je comprends mieux l'histoire de la poignée de main avec Donald Trump qui avait fait le buzz…

Le président à l'entrainement avant l'épreuve de la finale…

samedi 27 mai 2017

Une demie ? Bien fraiche alors…


                                                      La Rochelle 15 Toulon 18

                                                         Clermont 37 Racing 31

       Assez pétillante était la seconde quand même avec de beaux essais des clermontois, pas que ceux du Racing étaient moches, mais ils ont été réalisés quand la messe était dite… Quoique… Avec Clermont on ne sait jamais avant le coup de sifflet final, tant les finales ou demi-finales ont déçu par le passé. 

         Mais se remettre d’un carton rouge au bout d’une mi temps comme ils l’ont fait, avec un bel essai à 14 contre 15, montre à quel point l’équipe a progressé. Un Itturia phénoménal, un Parra très juste à la baguette, un Lopez atteignant sa plénitude, un Damien Penaud étonnant de peps et de technicité, en points d’orgue d’une équipe soudée, imaginative et presque toujours très collective, vraiment un beau match, et montrant à postériori les énormes qualité des Saracens qui les avaient étouffés de surprenante façon mais sans contestation possible en Coupe d’Europe (et ne terminent que 3e du championnat anglais…)

       La Rochelle qui a montré toute cette saison un jeu tout aussi complet que celui de Clermont a pris aussi un carton rouge, mais dont l’équipe à contrario ne s’est pas remise face au vieux buffle toujours dangereux qu’est Toulon. Mais cette demie-là manquait singulièrement donc de fraicheur et de bulles, les toulonnais matois et toujours surpuissants ont su faire assez déjouer l’adversaire avec leurs impacts de panzers. Plus d’expérience à Toulon même si leur jeu est moins équilibré, moins complet que lors de leurs trois glorieuses.

      En conclusion la finale verra donc s’affronter deux opposants cette fois aussi expérimentés l’un que l’autre. Même si l’un a plus l’expérience des victoires finales et l’autre plus celle des défaites à ce stade. On ose espérer que la remontée du Racing en fin de match n’est pas un signe que la friabilité de Clermont aux moments cruciaux n’est pas tout à fait terminée, et que sa constance au plus haut niveau, avec un jeu qui nous régale, sera enfin récompensée Dimanche prochain. 


       On souhaite aussi que l’absence de Halfpenny à Toulon compensera celle de Fofana à Clermont, et qu’il n’y aura pas de « protocole commotion » toutes les cinq minutes comme le rugby semble en prendre décidément l’habitude. Sinon faudra sérieusement envisager les tenues de protection du football américain…


samedi 20 mai 2017

La fourmilière




       Alea jacta est, l’outsider a gagné ! 

       Qu’on me pardonne ce mélange d’une expression latine et d’un anglicisme en entame de ce billet théoriquement en langue française, c’est un petit hommage à notre nouveau président, qui semble avoir donné un grand coup de pied dans la fourmilière de notre vie politique, et ne craint pas les savants mélanges, pour lui de ministres venus d’horizons divers, pour construire l’attelage de son gouvernement. 

       Nos compatriotes excédés par les traditionnels rafiots qui les mènent en bateau depuis des dizaines d’années semblent s’enthousiasmer pour une structure nouvelle dont ils ne connaissent pas encore l’équilibre sur l’eau mais sur laquelle ils ont au moins l’impression de respirer de l’air frais, au lieu des gaz nauséabonds et des relents d’huile usagée des gros moteurs précédents. Habitués des tours de passe-passe cousus de fil blanc censés faire éternellement du neuf avec du vieux, nos compatriotes se détendent pour une fois devant ce nouveau magicien qui cette fois les surprend comme un nouveau talent de la Star Academy.

      On ne peut pas lui dénier certaines qualités. D’abord il est jeune, pensez, 39 ans, le plus jeune président de la Vè république ! Une prestance rassurante de bon élève, avec un visage qui rappelle celui de Boris Vian, une épouse plutôt élégante et jolie, même si quelques roquets ont déjà lancé des aboiements lamentables sur le fait qu’elle soit plus âgée que son mari. Un bagage intellectuel solide (Philosophie, Sciences Po, ENA pour lui). Tous deux sont d’abord littéraires, donc possiblement cultivés. Le contraste était d’ailleurs saisissant pendant le dernier débat avant l’élection entre le futur lauréat, posé et intelligent, et son adversaire confite dans l’agressivité systématique et le dépit, tatouages de son parti autoritaire et psychorigide. Devenu inspecteur des finances, banquier chez Rotschild, il aurait « tué le père » après avoir été brièvement ministre de l’économie du précédent président présenté comme son mentor.

     L’homme fait donc fi des clivages traditionnels et réussit pour l’instant le tour de force de donner l’impression d’avoir gagné à la gauche comme à la droite. Réunir un pays scindé en deux pôles quasi équivalents depuis des dizaines d’années autour d’un projet commun serait un exploit illustré alors par une majorité conséquente aux élections législatives à venir. Demander à chaque ministre de ne plus être représentant de sa famille politique d’origine, mais d’être dorénavant « en marche » est probablement une gageure. En pratique comment par exemple un militant écologique planétaire convaincu et expérimenté pourra-t-il composer avec un ancien défenseur du lobby nucléaire dépourvu d’états d’âme ? Cette opposition semble la plus caricaturale au sein de l’équipage recruté par le nouveau capitaine. Pour difficile qu’il paraisse, le projet garde un aspect séduisant, et une bouffée d’air frais, même temporaire, est toujours agréable dans ce pays tellement déprimé. Cela semble peu, de vérifier que le casier judiciaire des nouveaux responsables soit vide, mais ça fait tellement de bien,  après ces années de scandales ! Même si bien sûr passeront entre ces mailles… ceux qui ne se sont jamais fait attraper…

     Il faut toutefois garder à l’esprit que l’équipe actuelle est probablement uniquement composée dans un but électoral, et que le vrai gouvernement, celui qui aura réellement en charge le pays, ne sera opérationnel qu’après les législatives. L’équipe type n’est évidemment pas encore en place, elle se dessinera selon les rapports de force, et certains parmi les présents n’auront guère le temps de faire plus qu’expédier les affaires courantes.

    Quand on donne un coup de pied dans la fourmilière, les fourmis se mettent immédiatement au boulot, vont apparemment dans tous les sens mais  font preuve d’une activité débordante. Quelques jours plus tard, en résultat du travail acharné de toutes, la fourmilière se retrouve parfaitement reconstruite… à l’identique.


  « Bon courage président ! » a dit l’ancien au nouveau, une petite phrase ou bien sincère, ou bien ironique, d’après les commentateurs. Je dirai la même chose, et refuserai moi aussi de choisir pour l’instant un camp bien défini. Une réponse de normand, quoi, qui au moins devrait satisfaire notre actuel premier ministre. 

Fourmis réclamant (de nouveau) du boulot

mercredi 3 mai 2017

Jarnac



       C'est bien un duel de mots et non un duel d'idées qui nous est proposé dans ces "débats" pour l'élection présidentielle, et je n'ai aucune envie de m'en mêler.

        Jarnac est la ville natale de François Mitterand, ancien président, et bretteur de mots reconnu. Le nom de cette ville est aussi célèbre dans l'expression "coup de Jarnac"  qui désigne un coup violent, habile et imprévu. Il a pris une connotation de coup déloyal ou pernicieux, qui n'existait pas à l'origine. Dans son sens premier et d’escrime, il s’agit d’un coup à l’arrière du genou ou de la cuisse, rendu célèbre par Guy Chabot de Jarnac, qui le porte lors d'un duel judiciaire en 1547. Lire la suite sur Wikipedia.

        C'est en tout cas ce que l'électeur devra éviter, avec toute la prudence que n'ont pas eue les électeurs américains aveuglés par les postures et les discours creux.

          Et, oui, il faudra bien aller voter Dimanche, sous peine de lendemains qui déchantent…








jeudi 27 avril 2017

Docteur lambda



            Ce n’est pas vraiment le surnom qui conviendrait pour Jean Christophe Rufin, qui raconte à peu près son parcours dans « Un leopard sur le garrot », que j’ai lu avec gourmandise. Cet homme brillant et simple, semblant à l’aise dans tous les milieux a été tour à tour un médecin neurologue assidu, un médecin humanitaire de MSF et de AICF au regard attentif à l’évolution du monde, un ambassadeur du gouvernement français en Afrique, et un écrivain maintenant très reconnu, académicien s’il vous plait, dont l’écriture fluide va sans doute m’entrainer à lire tous ses livres, moi qui n’avait lu jusqu’alors, déjà avec plaisir, que Katiba et Compostelle malgré moi.

           En dehors de cette aisance de rédaction, ce sont bien sûr ses remarques sur la médecine, sur l’humanitaire et sur son travail d’écrivain qui m’ont touché, en écho scintillant à mes propres vélléités restées dans l’ombre dans ces trois domaines. En cherchant bien, j’aurais 3 choses à reprocher à Rufin: son prénom un peu bouffon, le prénom de son premier fils, Maurice, plutôt ringard aussi, et le fait qu’il soit neurologue… Oui, je plaisante, ces reproches sont bien sûrs aussi mesquins que peut paraitre en regard mon parcours de médecin lambda. Mais c’est pour dire que pour le reste, comme disent volontiers les jeunes, respect…

        Car Docteur lambda c’est moi, resté 30 ans collé au rocher d’un cabinet généraliste de ville moyenne, après avoir pourtant rêvé pendant mes 2 dernières années d’études de partir en mission avec  MSF encore balbutiant, rêvé les premières années de modifier en profondeur la relation médecin-malade, et rêvé d’autres années d’écrire un livre qui recueille maintenant la poussière de mes tiroirs, jugé  par moi-même insuffisant pour tenter l’édition. 

      JC Rufin explique que la médecine était pour lui une évidence dans son enfance immobile à Bourges, pas très loin de l’Allier où la mienne était tout autant engluée. Il n’avait pas de père après le rapide divorce de sa mère, ce qu’il considère à postériori comme une chance, mais une statue du commandeur était toutefois chez lui, en la personne de son grand père, médecin qu’il plaçait sur un piedestal sans pour autant d’après lui s’en faire aimer. En tout cas la médecine était pour lui une voie naturelle, rien à voir avec moi. Mon propre père lui était présent,  et, comptable à la Banque de France, il exigeait que les colonnes de chiffres ne rognent pas sur les marges, mais… pas seulement les colonnes  de chiffres. Et en ce sens l’absence de père n’est pas forcément un handicap lorsqu’au lieu de guider, ce père ne sait qu’enfermer dans des interdits. Mais j’ai passé l’âge de mettre sur le dos de facteurs extérieurs la réponse  aux « pourquoi n’avoir pas »… 

       Rufin exprime combien la médecine l’a accaparé jusqu’à l’enfermer dans la routine des tâches hospitalières quotidiennes intangibles. Il a courbé l’échine en soulignant le travail épuisant mais borné de bovin obligé d’engloutir une énorme dose de nourriture calibrée pour réussir l’internat, puis la ronde répétitive des visites et contre-visites immuables. Concours de l’internat des hôpitaux, une tâche qui m’avait semblé au dessus de mes forces quand était venue l’heure des « conférences d’internat » censées former notre élite médicale, parce que j’avais déjà erré dans les usines à bachottage des classes prépas HEC et Sup de co où j’avais été brillant comme un ex-prix d’excellence de lycée, mais tellement inadapté… Le seul parmi les 3 reproches gags que je lui ai faits qui ait quelque raison d’être est ce choix de la neurologie, domaine où l’analyse des symptômes permettait des finesses de limier, des exercices diagnostiques  de haute volée, mais en revanche ne débouchaient jamais à l’époque sur des thérapeutiques performantes et des résultats gratifiants pour les malades. Sans doute l’oeil acéré du neurologue formait-il déjà celui tout aussi pointu de l’écrivain… Ceci étant, qu’un neurologue évolue vers l’humanitaire reste assez étonnant.

        Pour Rufin, la sensation d’étouffer dans la médecine a été un moteur du changement, associé à une grande part de hasard, pour avoir été invité par un ami à de toutes premières réunions embryonnaires de MSF. Ayant rejoint sa mère à Paris quand elle avait pû enfin subvenir à leurs besoins, il y avait fait ses études et dans les conversations étudiantes la curiosité naissante pour l’humanitaire  pouvait s’y enrichir bien plus facilement qu’en province.

        Les études médicales ont au contraire pour moi été d’abord une libération, abandonner Sup de co après 1 année sans réussir à m’intéresser un iota au marketing ou la comptabilité, quelle bouffée d’air ! Et je sus gré pour cela à mes parents, tout en prenant soin de m’éloigner d’eux de 500 kms, d’accepter de me voir partir pour un cycle de 8 ans quand 2 ans de plus dans ma Sup de Co pouvaient m’offrir un métier. Mais depuis je n’ai guère fait que 140 kms de plus avant de me fixer en plein vent comme une arapède sur un caillou de bord de mer… Les 2 premières années furent certes un pensum qui, comme le souligne Rufin, ne sert qu’à éloigner les littéraires des études médicales, au bénéfice des formations scientifiques, mais ensuite la séméiologie (étude des symptômes) et les grands chapitres de pathologie m’ont plutôt passionné, tout comme les stages hospitaliers, même si comme il le dit les étudiants étaient à peine tolérés et souvent méprisés.

      Ce n’est que bien plus tard que je me suis aussi senti étouffé, dans mon exercice, par les contraintes administratives croissantes, et l’évolution de la médecine vers le morcellement, les parcours d’un spécialiste à l’autre, les spécialisations dans les spécialités, le poids toujours plus grand des examens complémentaires et des protocoles de soins, sans compter les déceptions de certaines relations avec les malades heureusement compensées par d’autres.

       Rufin a vite renoncé à chalouper au sein de l’hopital pour obtenir d’être adoubé par un mandarin pour compléter une carrière hospitalière. Il est un peu difficile de le croire dépourvu de duplicité diplomatique quand on sait qu’il a été ambassadeur, conseiller gouvernemental, dirigeant d’AICF (les pages sur les conflits internes des ONG ne sont pas les plus intéressantes du livre), lauréat de prix littéraires jalousés, et académicien. Mais on a envie de croire sa « bonne tête » dans l’émission Thé ou café de Catherine Ceylac 

        L’année entière où j’eus une fonction d’interne hospitalier fut pour moi un très bon souvenir, car j’avais un réel plaisir à travailler en équipe, solidairement et à égalité avec les infirmières, aides soignantes et filles de salle, tout comme avec les chefs de service. En ce qui  concerne ces derniers, l’absence de rapport de force provenait aussi sans doute du fait que je n’avais aucune chance de briguer un jour la place du khalife…

      Après avoir rencontré celle qui allait devenir ma femme, devenu père de famille et médecin « générique », je n’apercevais plus les loupiotes qui prétendaient m’attirer au loin vers l’humanitaire. Leur lumière s’est progressivement éteinte pendant que la structuration toujours plus complexe, la spécialisation , les orientations politiques, rendaient les ONG inaccessibles à des amateurs dans mon genre dans un monde toujours plus guerrier et dangereux.

       Si j’en ai quelques regrets, ils sont probablement assez égoïstes. Rufin dit que « l’action empêche d’écrire, mais nourrit l’écriture ». c’est sans doute pour cette raison, le manque de nourriture, que tant de textes, comme celui qui dort dans mon tiroir, clapent du bec comme des poissons en manque d’oxygène échoués sur le sable.