Lac de Pradeilles (Pyrénées Orientales)

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Ce blog comme une promenade entre amis… On pourra donc lire ou écrire, admirer la nature, ramasser des cèpes ou des morilles , pêcher à la mouche, jouer au poker, parler médecine, littérature, actualité,ou même de tout et de rien comme le font des amis en fin d'une belle journée de randonnée...

samedi 17 août 2013

(Récréa) Tif et Tondu

           

            Même s'il ne faut pas obligatoirement piloter un fauteuil roulant pour se rappeler la BD "Tif et Tondu"  parue en son temps dans Spirou, elle n'est pas néanmoins de première jeunesse. Elle contait les aventures de 2 détectives amateurs en conflit récurrent avec"la main blanche", un ennemi qui ne montrait jamais son visage, et renaissait de ses cendres à chaque nouvel épisode, même et surtout quand il semblait définitivement vaincu. 




                       Ce billet concerne le poker. Quel rapport me direz-vous ? Eh bien c'est mon blog, à moi,  ce matin il pleut, pas de plage et je fais comme je veux… D'abord, simple occasion d'un mauvais jeu de mots qui m'est venu spontanément à la vue de l'épithète récréatif souvent associé au joueur de poker amateur par opposition aux "pros" et "semi pros", vous savez ceux qui bourlinguent d'un casino à l'autre en rêvant des WSOP, ou multitablent sur Internet en cliquant sur leur souris à la vitesse d'un fusil mitrailleur. Car tondu est le second adjectif très facilement associé à récréatif: le sort peu enviable qui attend en général le joueur amateur est d'être tondu, soit par les pros, soit par les salles de jeux ( réelles ou virtuelles), soit par les deux.
           Et ceci car il a tendance à s'amuser, en se fichant comme d'une guigne des aspects techniques du jeu, en faisant confiance à la chance, en essayant de voir si son épée en plastique ne peut pas provoquer une énorme rigolade en triomphant d'un adversaire surarmé. Les salles de jeux l'ont bien compris avec leur pub habile et perverse du genre "l'important ce ne sont pas les cartes…" Hélas, ça peut marcher pendant quelques mains, mais pas longtemps…Aussi, s'il n'a pas envie d'être Tondu, notre récréaTif va tenter d'élever son niveau, en étant studieux et persévérant, il va finir par "se prendre au jeu". S'il a quelques résultats, l'appât du gain le guette, il va jouer plus souvent, plus de tables, des tournois ou des cash games plus chers. Et "la main blanche" des casinotiers va multiplier les primes et les incitations à faire du volume de jeu. Bien sûr, car cet adversaire invisible gonfle ses profits parallèlement au nombre de tables ouvertes.
             Mais le miroir aux alouettes brille de moins en moins, et à force de prendre les Tifs pour des Tondus en puissance, c'est l'heure du retour de bâton, la chute du poker en ligne

Et si vous voulez un tuyau, ce n'est pas fini…



           Ceux qui jouent au poker comme au loto s'aperçoivent qu'il faut être riche pour pouvoir perdre régulièrement, ceux qui lorgnent sur les pros en se lançant des défis progressent et grimpent jusqu'au niveau où pris de vertige ils tombent dans le vide ou font piteusement machine arrière, ou bien encore attrapent le blues du robot, quand pour des gains réguliers il faut remplacer l'aspect ludique par une routine épuisante. Dans un cas comme dans l'autre, c'est la fuite des chats échaudés. Et "la main blanche" peut s'en prendre à elle même.

                Mais elle n'est pas seule responsable. Car les récréatifs qui s'assument et restent à leur place sont rares. Les plus allergiques à l'aspect technique du jeu se font éreinter dans tous les forums en se faisant traiter de "fishs" à longueur de page. Et hormis ceux qui lâchent les euros à la pelle comme s'ils étaient des gravillons, ils finissent par en avoir assez de gaspiller des sous. La chance ne leur sourit pas, pensent-ils, on passe à autre chose. Ceux qui tentent de progresser dans la compréhension du jeu se croient obligés de faire des tournois ou des cash games plus chers, d'en faire plus souvent et plusieurs à la fois, jusqu'à parfois tenter d'en vivre. Sinon, ils ont l'impression de stagner, de perdre leur temps, d'être des gagne-petits. Quand on joue, on perd son temps ? Non, on joue, on se détend, même si rien n'empêche de tenter de découvrir toutes les subtilités du jeu qu'on a choisi.

              Après quelques assez beaux résultats pour moi sur des tournois à droit d'entrée faible, entre 2 et 10€, et nombre important de participants, les réactions les plus fréquentes dans mon entourage ont été:

- chouette, tu vas pouvoir faire des tournois à 30 ou 50€, maintenant !

- Tu vas jouer plus souvent, alors ? comment ? tu n'as pas joué depuis 10 jours ?

                La réponse est effectivement non dans les deux cas. Je suis et reste un récréaTif et à mon niveau de droits d'entrée j'ai peu de chance de devenir Tondu. Ca suffit à mon bonheur de gagner 2 ou 3 fois par an de quoi faire un petit voyage ou changer de portable. Pas beaucoup de loisirs peuvent offrir des cadeaux de ce genre. Que ça continue, ne changez rien. Je sais que sur 100 tournois quels que soient mes progrès et si je n'ai pas une de ces périodes noires qui dure parfois si longtemps je serai dans l'argent guère plus de 20 à 25 fois, gagnant 20 fois des clopinettes et vraiment  récompensé par la victoire ou la table finale 2 ou 3 fois. Mais on s'amuse, quoi, on ne cherche pas fortune. Perdre 15 fois de suite n'atteindra pas ma sérénité et je continuerai à essayer de jouer le jeu qui me semble le plus adapté sans être assailli par le doute en voyant ma cagnotte se lézarder à vitesse grand V.

                Et je préfère regarder pendant mon tournoi un film, ou une video concert de jazz (ex: Avishai Cohen, Richard Bona découvertes récentes), plutôt que jongler sur 6 tables en perdant mes billes au moindre coup de téléphone, si tant est que mon cerveau admette de se robotiser en sur-régime.

                Si le poker est un peu moins dans l'esprit du public un jeu de bandits, l'approche du poker reste à mon sens plutôt malsaine, tant de la part des gens qui en font commerce que de celle des joueurs. Les rooms de poker ont comme seul principe d'emballer la machine, à coups de promos, de satellites, d'offres de rake, de compétitions de volume avec les pros qui s'y collent par contrat, de faire rêver de compétion internationale le clampin juste sorti d'une cour d'école. Mais Tif une fois Tondu n'a plus de cheveux. Pour reprendre une autre image d'un autre billet, on pratique la surpêche. Rien d'étonnant donc à voir les bancs de poissons s'éclaircir.

               Ce qui est malsain de la part des joueurs, en dehors du problème rebattu de l'addiction, est qu'ils s'affolent pour la plupart à vouloir gagner plus en travaillant plus. Ca ne vous rappelle rien ? Ils se mettent dans le rouge pour les raisons énumérées plus haut, jusqu'à l'écoeurement et l'abandon. Ils décollent l'étiquette "jeu"et bouffent leur temps et leur énergie à remplir des tonneaux percés en "travaillant". Dans le même temps des observateurs par milliers regardent goguenards ce qui pour eux relève du piège à cons dont l'étape ultime est le Disneyland des flambeurs, le  Las Vegas des putains et des hôtels de stuck de luxe dans la fournaise. Combien d'entre eux pourraient avoir un loisir régulier avec le poker, s'ils ne ressentaient pas l'engrenage dans les rêves absurdes qu'on leur propose ? 
              Assumez d'être un joueur récréatif, si possible avec un cerveau pour réfléchir aux enthousiasmantes complexités cachées de ce jeu, mais restez un joueur qui s'amuse. Et un joueur qui s'amuse sait qu'en progressant il aura une fête, un anniversaire ou un Noël dans l'année, gagnés grâce à son jeu favori, mais pas un appartement à Paris dans le 16è ou une Lamborghini, éléments réservés aux vedettes rarissimes ayant réussi à en faire un métier lucratif. J'ai bien dit un métier, un joueur qui s'amuse ne tente pas d'être Supernova 10h par jour 90% de l'année.

- Il est où Jeff ?
- Il voulait se détendre en jouant un peu au poker, je crois…


               En tant que détective, je suis au moins aussi amateur que Tif et Tondu. Mais j'aimerais qu'une enquête dise combien de récréatifs potentiels sont attirés durablement et combien sont rebutés tout aussi durablement par les mirages de fortune et les incitations permanentes à la consommation. Pourquoi ne met-on pas l'accent sur les qualités intrinsèques d'un jeu passionnant "qui peut même en plus rapporter de temps en temps"? C'est un beau jeu le poker. Pourquoi ne pas tenter, par un discours adapté, de rendre joueurs récréatifs les millions de personnes qui aiment "taper le carton", genre joueurs de belote ou tarot, mais se méfient de l'image encore sulfureuse du poker à cause de cette approche poudre aux yeux ? Pourquoi la stratégie "jouer plus pour gagner plus" et pas la stratégie "plus on est de fous plus on rit, c'est convivial, intéressant et parfois quelques bonnes surprises sont à la clé" ? L'argent parasite-t-il à ce point ce jeu qu'il se transforme à très brève échéance en avide recherche d'espèces sonnantes ? 
               Si c'est le cas, exit la notion de jeu, bonjour les taxes et la fiscalité, bien d'autres activités sont alors plus régulièrement rémunératrices. Ne peut-on attirer  autrement qu'en  faisant miroiter la poule aux oeufs d'or et le clinquant de Vegas ? Même les idoles parmi les pros font les montagnes russes, passent de + 10M à - 10M d'une semaine à l'autre. Certains gros entrepreneurs font la même chose. Vous n'êtes pas là pour être des entrepreneurs au poker, vous êtes là pour vous a-m-u-s-e-r, si possible avec un brin d'intelligence. Vous êtes comme des gamins sur un manège, de temps en temps vous chopperez un pompon, et on comprend que vous travailliez l'équilibre, la vivacité et le coup d'oeil pour ne pas le rater s'il se présente. Mais il ne se présentera pas à vous si souvent, quoi que vous fassiez. N'ayez pas d'illusions à ce sujet.

            Pour une raison que j'ignore, certains petits signes d'alerte vous donnent d'ailleurs vite une idée de la tournure prise, par exemple, par votre tournoi:

- vos séries de poubelles n'excèdent pas la dizaine d'affilée, vous gagnez 2 coin flips sur les 3 joués, votre paire d'as ne s'est pas faite pulvérisée: bon signe
- 3 ou 4 belles mains qu'on vous force à coucher chaque fois dans des situations pièges: mauvais signe
- après trente mains injouables, votre belle paire explose en vol, ou votre bluff est éventé avec autorité: mauvais signe
- vous ne touchez pas de jeu, et parti à tapis 2 fois en étant dominé, pour essayer de vous en sortir, vous remportez le coup: bon signe, le vent va tourner
- vous allez enfin doubler avec un monstre quand il vous reste 20 blindes mais… vous partagez le pot, et cela se produit 2 fois de suite : mauvais signe
- vos relances sont respectées car vous avez un gros tapis, ayant tondu 2 récréatifs qui cherchaient maladroitement à vous bluffer, puis vous éliminez deux petits tapis pourtant largement favoris sur le coup: bon signe

          Bon, je rigole, n'empêche, l'ennui et l'énervement ne vous guettent pas, que le signe soit ou non favorable, car vous écoutez une bonne musique ou voyez une excellente video…Un peu comme d'être en vacances que le temps soit beau ou médiocre, c'est quand même des vacances. Vous êtes un joueur récréatif !

         Quand vous voulez gagner toujours plus, en étant obsédé par le fait de passer de NL10 à NL100, quand vous cherchez absolument à vous refaire, quand vous négligez la fatigue, quand vous avez l'insulte au bord des lèvres, quand vous perdez selon vous par la faute des autres, quand vous négligez vos proches ou votre boulot, attention, vous allez bientôt rejoindre la cohorte des déçus du poker et contribuer au déclin annoncé. Bientôt Tondu, vous n'êtes déjà plus récréaTif. "La main blanche"a trop pressé le citron, vous n'avez plus de jus…

         Pour ceux qui ne connaissent pas, voici une autre approche, avec du panache, plus aventurière en restant récréative: Worldpokertrip  la traversée de l'Amérique du Sud en s'autofinançant par le poker sur les étapes du parcours. Le voyage durera, c'est dit avec lucidité,  le temps que ce séduisant globe-trotter récréaTif saura éviter d'être Tondu. 

- Ben quoi, elle demandait juste la direction de Las Vegas…



vendredi 16 août 2013

Coulapic

       

               Première édition cette année d'une hilarante et bien nommée mini compétition ( Coulapic) de bateaux improbables pour le 15 août à Collioure. Embarquement sur la plage du Boramar !



La girafe broute sur le célèbre clocher








Comme des anchois… même sur la digue




Pirates à l'abordage 


Le Titanic va sombrer une nouvelle fois








L'arche de Noé aussi…


samedi 3 août 2013

Le 4*4 idiot





                     Raphaël a trois ans et demi. Dès qu'il arrive à la maison, il toque trois fois de son petit poing sur la porte centrale pendant que papa ou maman extrait du véhicule quelques affaires et ferme l'auto. Quand je lui ouvre, il a un sourire entendu, fait semblant de m'ignorer et avance sans courir mais d'un pas décidé, en écartant un peu les bras, les mains ouvertes et bizarrement tournées vers l'arrière, jusqu'au  panier (une vieille comporte de vigneron) de sa copine Diva notre chienne… Il la prend par le cou et l'embrasse sur le dessus du crâne… Il demande où sont Java et Ethiopie, les deux chattes, mais sans insister, il sait déjà les chats indépendants et assez peu sociables…Ensuite seulement, environ une fois sur trois, il vient m'embrasser… D'être chez nous doit lui donner faim, car en général il réclame du pain, plus rarement du chocolat, sans doute quand il sent grâce à des détails connus de lui seul que la situation n'est pas trop défavorable… Puis il fait le tour du propriétaire… Livres disponibles, jouets, un coup d'oeil rapide pour voir si l'ordinateur est allumé… La matinée avec papy se présente bien… Papa ou maman ne s'attarde pas, c'est l'heure d'aller au boulot… 

                Ce mardi là,  Raphaël repère un puzzle, il place (correctement) deux ou trois pièces, quand son oeil accroche le livre de Pouf et Noiraud au camping, il me demande donc aussitôt de lui lire cette passionnante histoire… Après qqs minutes, alors qu'il écoute semble-t-il avec application, la couverture de Barbapapa entre dans son champ de vision. Aïe, Pouf et Noiraud, une découverte récente, n'a aucune chance face à Barbapapa, racontée des dizaines de fois et abritant sans doute dans son déroulement indigent d'inépuisables trésors… J'ai beaucoup de mal avec Barbapapa, qui me sort par les yeux, et par chance réussis à détourner son attention sur une de nos tortues qui fort à propos s'approche de la terrasse… Une tortue aussi aventurière ne peut être qu'affamée, de son point de vue, salade, tomate, abricot, ça c'est un repas, mais donc il faut que les autres tortues profitent du festin… Nous voilà partis à leur recherche, en longeant les haies du jardin, en fouillant les recoins. Raphaël ne supporterait pas les inégalités de traitement question tortues. Satisfait de voir que le menu a semblé leur plaire, il estime qu'il est temps pour lui de se restaurer à son tour, et redemande du pain:

- Papy, je veux du choc… euh, du pain !

               Il se saisit de la tranche de pain comme s'il était menacé par une bande de voleurs, et met quelques secondes à se rappeler sur ma suggestion qu'il doit remercier… Il se promène alors avec sa tranche de pain au dessus de la tête, ayant expérimenté à plusieurs reprises la fourberie de Diva quand sa main contient quelquechose de mangeable… Qu'est ce qu'on pourrait bien faire maintenant ?
                 Heureusement, il fait assez beau, même si le vent est trop fort pour la plage, j'ai l'idée de proposer de l'emmener au parc de jeux. Marché conclu. Au revoir, Diva, à tout à l'heure. Aucun problème pour l'installer sur la banquette arrière, il réussit presque à boucler seul la ceinture de sécurité, l'automobile a peu de secrets pour lui, papa est un mecano amateur hors pair et passionné qu'il a souvent observé… Pendant le trajet, nous avons le privilège de croiser un camion de pompier et d'entendre l'avion en provenance de Paris dans sa manoeuvre d'approche, mais hélas je ne peux bloquer la circulation pour qu'il puisse le voir… Un peu déçu, il se range malgré tout facilement à mes arguments…
                    Nous voilà au parc, il n'y a pas grand monde, un garçon et deux fillettes un peu plus âgés que lui, un bambin très récent bipède, deux mamans, ou gardiennes… De la moquette au sol, deux ou trois toboggans, des échelles, des tunnels, deux balançoires, des filets de plastique à larges mailles qu'il faut traverser comme un pont suspendu, en trébuchant et se prenant les pieds dans les mailles. Raphael choisit un parcours (une grimpette, un tunnel, un filet suspendu, fin du parcours en petit toboggan) et le reproduit à l'identique six ou sept fois, aucun regard vers les autres enfants, concentration maximale. La balançoire exige mon aide pour prendre de l'élan. Il rit aux éclats, un rire qui s'envole et se disperse avec les moineaux. La balançoire, c'est chacun son tour, les fillettes attendent, pas de protestation, il refait deux ou trois parcours, exactement le même parcours. Je m'asseois sur un banc pour l'attendre. Il remarque soudain un toboggan nettement plus grand: il faut grimper sur une plateforme plus haute, ce qu'il réussit sans trop d'élégance, mais avec efficacité. Il n'a pas peur, comprend tout de suite qu'il faut s'asseoir pour glisser. Il arrive en bas les jambes en l'air, hilare et les lunettes de guingois sur le nez. Au troisième passage, il réalise qu'il m'a oublié, Papy !! Il rajuste ses lunettes, se tourne dans tous les sens jusqu'à apercevoir mon signe de la main. Rassuré, il va refaire le premier parcours qu'il avait choisi, mais le grand toboggan l'attire maintenant irrésitiblement. Un nouveau petit garçon vient d'arriver, son jeu à lui est de grimper la pente du toboggan en partant de l'arrivée: il le regarde d'en haut les mains sur les hanches mais le laisse faire sans un mot. Une fois descendu il viendra vers moi pour s'écrier:

- Tu as vu papy ? Mais quelle idée !!

                   J'éclate de rire à cette expression inattendue mais parfaitement utilisée, il en est presque vexé. Encore deux descentes et il court aux balançoires, où les deux fillettes le prennent spontanément en charge et lui donnent de l'élan, sous une pluie de rires. Après une dizaine de minutes il a de nouveau perdu ses repères et me cherche avec un peu d'anxiété. Quand il m'a localisé, il vient vers moi, et me dit qu'il souhaite rentrer. Il a soif et je n'ai pas pensé à emporter de l'eau, mais je lui montre comment boire à la fontaine dans la coupe de ses mains. Un franc succès. Ok. Voyage retour passionnant, on croise un camion benne chargé de gravats et à un feu une grosse moto pétarade à nos côtés sous ses applaudissements. Le parc n'était pas très loin, mais quand nous arrivons à destination, il n'est pas loin de s'endormir. Un bisou à Diva, un grand verre de jus d'orange, et ça repart, avec un gâteau sec chocolaté vite repéré par la chienne qui le suit comme son ombre, mais maintenant il sait préserver son trésor. Direction l'ordinateur…

                  L'ordi est notre terrain de complicité, quand il était tout bébé j'avais trouvé un site qu'il adorait, un simple clic sur l'image d'un animal et on pouvait entendre son cri: le loup, la poule, le gorille, la grenouille… Son préféré était le coq, cent fois réclamé, au point que parfois "papy Claude" devenait "papy coq".

- Je voudrais voir les lions qui mangent les zèbres, me glisse-t-il d'un air de conspirateur

                C'est ça le secret, pour l'instant c'est papy le bandit de la famille. Quand maman, passionnée par les animaux, ne lui offre que des videos bisounours, où le chat joue avec l'oiseau, le chiot se cache dans les chaussures, le canard chante des comptines, et la poule sur un mur picote du pain dur, papy l'emmène dans la jungle sauvage, où le boa étrangle l'antilope, le crocodile fait claquer ses machoires d'acier, et le lion pourlèche ses babines rougies du sang du zèbre… Le hic c'est qu'il faut trouver exactement la video qui lui avait plu en particulier, et je ne l'ai pas mise en mémoire… Sa résolution d'assister aux meurtres des félins dans la savane africaine ne se révèle pas absolue. Je fais défiler des You Tube sur lesquelles il jette un oeil de plus en plus distrait, quand soudain il désigne une image d'un doigt impératif:

- Je veux celle là !

               Rien à voir. C'est l'image d'un truck 4*4 monstrueux avec des roues énormes. Bon, les camions lui sont tout de même plus familiers que les "big cats" africains. Je lance l'extrait, qui n'est qu'un film capture d'écran d'un jeu video stupide, où un énorme bulldozer grimpe sur tout ce qu'il rencontre, fait exploser des éléments de toutes tailles, depuis le simple caillou jusqu'à l'immeuble de cinq étages, dans un bruit d'enfer et en collectionnant les points. Raphaël est manifestement fasciné. Le truc le plus stupide que j'aie jamais vu… Je patiente quelques minutes:

- Ca te plait, ça, tu crois ? c'est complètement idiot, non ?

          Pas de réponse. Boum! Crac ! Chiuuuuu! Bang ! thicatchaaa ! Je repose ma question et obtiens un signe de tête volontaire et affirmatif.

- Et pourquoi ça te plait tant, voyons ?

          Raphaël me lance un bref coup d'oeil pour la forme et revient instantanément à l'écran en avouant d'un ton suave:

- Pasqu'y casse tououououou… 

Un vrai bonheur, à se taper sur les cuisses !

             Mais le meilleur reste à venir, quand on vient le chercher, après le bisou à Diva, les explications d'après lui peu convaincantes comme quoi il est inutile de redonner à manger aux tortues, le dernier quignon de pain et une tentative vouée à l'échec en présence de maman pour le chocolat, il se dandine un moment, et me prend par la main, sans répondre à sa mère qui voulait connaitre son programme au parc de jeux, il m'emmène manu militari vers l'ordi, et lance d'une voix flutée:

- Dis, papy, avant de partir, tu peux me le remettre, le 4*4 idiot ?