J’ai voulu assister pour la première fois à un procès d’assises et celui du «
tueur de la gare de Perpignan », une affaire de viols et de meurtres particulièrement barbares ayant terrorisé notre ville pendant des années m’en donnait l’occasion. J’étais donc présent pendant un après midi de débats au 2è jour quand défilaient pour témoigner quelques anciennes petites amies de l’assassin. Mais je n’ai été admis que dans la salle de retransmission video, il n’y avait plus de place dans la salle du procès.
La nécessité, si je voulais pouvoir y accéder un autre jour pour vraiment ressentir l’ambiance d’une salle d’audience, de faire une queue de plus d’une heure, plus le « programme » du procès qui allait bientôt aborder les crimes les plus atroces de l’inculpé m’ont fait ensuite me contenter du compte rendu quotidien (assez détaillé) des audiences par l’Indépendant. Bien peu familier du monde judiciaire, je vais sans doute faire un certain nombre de remarques que vous jugerez candides, mais peu importe, elles expriment mon ressenti.
Sur l’enfance de l’accusé: certes une enfance très misérable, mal aimée, mais parfaitement semblable à celle d’une soeur de l’accusé qui souligne que tous les enfants malheureux ne deviennent pas des monstres.
Sur la corvée et la douleur que peut représenter un témoignage: par le fait même de devoir dire simplement 30 ou 40 ans plus tard que l’actuel tueur sanguinaire leur avait plu, était capable de douceur et de gentillesse, même si sa violence était ensuite apparue, d’abord de façon hélas assez banale comme dans tous ces couples où l’homme frappe sa compagne. Un frisson rétrospectif paralysant parcourait ces femmes et montait crescendo quand certaines devaient dire ensuite qu’elles avaient vécu un temps avec lui, et même eu des enfants du diable…
Le témoignage ensuite du fils le + grand de l’accusé, qui n’a pas vu ce « père » entre l’âge de 4 ans et l’âge de 25 ans, à qui on demande s’il a quelquechose à lui dire et qui implore sans être entendu « suis-je obligé de rester jusqu’au bout ? »
Quand d’autres ayant échappé de peu à une mort horrible se voient plus tard replongées dans le cauchemar d’agressions subies et parfois déjà jugées, comme cette femme poignardée sous un porche, ouverte comme un lapin, obligée de revivre une scène qui la hante et la persécute depuis 20 ans, on se prend à trouver ces demandes de témoignages inhumaines… Voir d’ailleurs
cet avis d'une psychiatre sur le sujet.
Sur les questions qu’on entend poser à l’accusé de la part de la défense comme des parties civiles: je sais bien que le but était d’essayer d’extraire un semblant d’humanité d’un être à ce point abject, mais lui demander s’il avait des regrets ou si voir un autre homme accusé à tort à sa place l’avait perturbé, lui demander de regarder les photos de ses dépeçages puisqu’ils étaient « son oeuvre » avait quelquechose d’irréel et de tellement dérisoire…
De la même façon entendre l’avocat général s’opposer à l’accusé sur une date de prélèvement d’ADN en lui disant « ne dites pas ça à la cour, c’est faux » comme on gronde un élève menteur aurait pu être un gag si le contexte n’était pas si dramatique…ou encore, si le compte rendu est fidèle, quand ce même avocat général dit « Pour 20 secondes de plaisir, vous avez foutu une vie en l’air. Regardez-la », en lui montrant une photo de la victime dans sa jeunesse souriante. Qu’imaginer ? que le tueur en série s’effondre en pleurs suite à une subite prise de conscience dévastatrice ou bien qu’il dise « pfff, 20 secondes, j’espérais quand même bien plus ! » ??
Sur les désaccords entre les experts: Au delà de l’horreur totale qu’on ressent à l’évocation des mutilations, de l’acharnement du bourreau, l’énorme différence d’appréciation entre les experts sur le mode opératoire, qui a longtemps égaré l’enquête,(précision extrême comme par un scalpel, tracés comparables à ceux qu’aurait réalisés un chirurgien, 1h 3h de « boulot » en milieu éclairé et position anatomique précise) et l’assassin (ça s’est fait comme ça, de nuit, sous la pluie, j’ai pas réfléchi, environ 10 minutes, avec un « simple » couteau) reste pour moi totalement incompréhensible, pourtant cette question « technique » ne semble pas troubler plus que ça la cour. Quand on voit la difficulté qu’on a parfois à découper « proprement » un poulet cuit, comment admettre sans chercher plus loin une extraordinaire habileté manuelle, à ce moment terrible, chez un barbare prétendûment seul (?) que son métier de cariste ne devait guère avoir préparée ??
Pour certains experts les mutilations relevaient d’une recherche sadique de « trophées » quand pour d’autres comme pour l’accusé ces horribles pratiques ne servaient qu’à « essayer d’effacer les traces ». Quelles conséquences pour la condamnation à venir ? On voit mal la différence d’attitude que les jurés pourraient avoir selon les motivations du criminel…
Cet individu aura bien sûr la plus lourde peine qu’on puisse délivrer selon la loi, inutile d’attendre la fin du procès pour le dire. Reste pour le citoyen moyen ce malaise diffus devant ces tentatives vouées à l’échec (hélas nécessaires pour l’éthique d’un procès) de comprendre l’incompréhensible horreur, ce qui se passe dans la tête de ces grands criminels dont ce début d’année nous présente une terrifiante brochette, de Rançon à Fourniret en passant par Lelandais et Daval.
Ce dernier, criminel « banal » en regard des autres, dont le corps de la femme a été retrouvé à moitié brûlé, a admis le meurtre mais nie y avoir mis le feu. … Peut être devra-t-on chercher alors la regrettable erreur d’un cantonnier ayant voulu supprimer un tas de feuilles mortes…
En attendant on pourra consulter pour avis spécialisé les suppôts de Daesh de retour de Syrie, bien formés aux mutilations, décapitations et autres bûchers…